Sophrologie et histoires de poids par Alain Giraud Sophrologue




Le surpoids est devenu aujourd’hui un problème de santé publique majeur, responsable d’une morbidité et d’une mortalité importante, associé à un coût social qui devient de plus en plus préoccupant. Or, la prise en charge du surpoids s’est heurtée à de très nombreuses déconvenues : plusieurs médicaments se sont révélés présenter des effets secondaires parfois graves. Et si la plupart des régimes sont efficaces à court et moyen termes – le taux de réussite est de 75 % de bons résultats à un an, la reprise du poids antérieur s’effectue tout aussi régulièrement après l’arrêt de la restriction calorique, soit dans 80 à 90 % des cas en 3 ans. Dans le cadre de ces désillusions, de plus en plus de nutritionnistes et de diététiciens se rendent compte de l’importance de l’accompagnement psychologique, qui se rapproche de celui des personnes présentant des troubles du comportement alimentaire (boulimie, compulsions, restriction cognitive).

Les études effectuées sur la prise en charge en psychothérapie attestent d’une réelle efficacité, même si elle reste modeste. Dans ce cadre, l’approche psycho-sensorielle semble se démarquer positivement et peut se conjuguer avec les pratiques sophrologiques.

Le Dr Gilles Pentecôte, sophrologue, nous en explique les principes et le déroulement.

Alain Giraud : Comment peut-on accompagner au mieux une personne souhaitant modifier son rapport à l’alimentation en vue d’un objectif de réduction pondérale, en utilisant la sophrologie ?

Gilles Pentecôte : Pour que l’accompagnement soit efficace, le sophrologue devra s’intéresser à différents plans, conjointement ou successivement :
le plan sensoriel gustatif, le plan des sensations alimentaires (faim, envies, satiété), le plan psychologique pour mieux comprendre et gérer les envies démanger d’origine émotionnelle, et le plan de l’estime de soi dans lequel se cachent la conscience corporelle, l’image de soi et la confiance en soi. C’est par ce dernier point que l’on peut commencer, car dans tout changement de comportement, un travail préalable sur la motivation est essentiel.

Ce travail peut s’effectuer simplement lors de l’entretien, mais peut aussi être ancré plus profondément dans le ressenti corporel et émotionnel en cours de sophronisation. Les objectifs les plus souvent rencontrés sont : retrouver une meilleure condition physique, une meilleure vie sexuelle, avoir un enfant dans de meilleures conditions, pouvoir s'habiller plus facilement, prendre moins de médicaments, se libérer de ses pulsions alimentaires, se sentir plus à l'aise en société, se sentir plus léger(e), attirer les regards des hommes (ou des femmes), avoir une meilleure image de soi-même, etc. Une fois les objectifs déterminés, le sophrologue peut les proposer à l’imagination de la personne en cours de relaxation. On appelle cela l’activation intra-sophronique, qui permet de ressentir l’objectif globalement dans le corps et dans le cœur. Ainsi, la motivation sera bien plus ancrée que si elle était simplement et froidement réfléchie.

Vous parlez de difficultés d’origine psycho sensorielle : disparition des sensations alimentaires, diminution de la sensation de satiété, augmentation et/ou intolérance à la sensation d’envie de manger ou de faim. Ces altérations ne font-elles pas suite le plus souvent à des difficultés plus purement psychologiques ?

Effectivement, ces altérations font le plus souvent suite à ce qu’on appelle la restriction cognitive : à force de tout vouloir contrôler, les sensations disparaissent petit à petit. On ne sent plus si on a faim ou juste envie, si l’estomac est plein ou pas, on devient intolérant à la vraie faim, bref, on s’est coupé de son corps. Plusieurs approches sophrologiques vont permettre de renouer le contact, sans perdre de vue les difficultés émotionnelles. Grâce à un travail sur le schéma corporel au niveau abdominal effectué après manger, on va s’attacher à retrouver la sensation de satiété. Avec des exercices de visualisation, on va chercher à reprendre conscience de la différence entre la sensation d’envie de manger et la véritable faim. La redécouverte du plaisir gustatif et de l'intuition alimentaire peut se pratiquer grâce à des exercices de pleine conscience des goûts (on pratique la sophronisation en mangeant !), l'objectif étant de devenir gourmet plus que gourmand et de développer son intuition alimentaire.

Vous parliez de restriction cognitive, des obligations…N’y a-t-il pas un risque d’engendrer un sentiment de culpabilité ?
Justement, le problème de la restriction cognitive est qu’elle engendre une forte culpabilité, à chaque fois qu’on ne mange pas comme on l’a décidé. L’objectif est de se libérer du carcan des « il faut que, je devrais, j’aurais dû,…». De très nombreuses études ont clairement démontré que manger moins sucré, ou moins gras, au petit-déjeuner ou pas, avec ou sans édulcorants, en 2, 3 ou 4 repas, etc… est inefficace sur le contrôle pondéral. En fait, aucune règle alimentaire n’a pu faire la preuve de son efficacité. L’objectif est simplissime : pouvoir à nouveau et librement manger ce qui nous attire, quand on a faim, et savoir arrêter de manger quand on n’a plus faim. Simplissime, mais en fait pas si facile à atteindre quand on mange autrement depuis des années… D’autant plus que la faim est souvent devenue insupportable dans cette société où tout désir peut (et doit ?) être comblé à tout moment.

Pacifier avec la sensation de faim est un objectif délicat…
Absolument, et ce sera bien évidemment contre-indiqué chez les personnes à tendance anorexique. Il ne s’agira surtout pas de chercher à contrôler la faim avec la volonté, mais d’en accepter totalement les sensations, de l’accueillir comme une amie. Un travail sophrologique pourra être effectué dans ce sens, qui sera conduit au mieux le ventre vide. La faim n'est pas une ennemie contre laquelle nous devons lutter, mais peut aussi être considérée comme porteuse de bonne nouvelle : quand on a faim, c’est qu’on maigrit ! Nous pouvons donc apprendre à vivre heureux avec cette sensation en l'associant à nos objectifs dans le cours d’une sophronisation. Mais, comme vous le soulignez, nous sommes sur le fil du rasoir, car encore une fois, il ne faut pas lutter contre la faim, ce serait encore de la restriction cognitive, et cette fois induite parle sophrologue. Il faut apprendre à l’accueillir tranquillement, à vivre en harmonie avec cette sensation tellement naturelle.








Jeudi 7 Mai 2015
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